Medgate et l’intelligence artificielle: interview d’Anthony Dyson

Comment l’intelligence artificielle fonctionne-t-elle dans la Medgate App?

Pourquoi Medgate recourt-elle à l’intelligence artificielle? 

Précisons d’emblée que nous ne parlons pas ici de C-3PO de Star Wars ou de voitures autonomes! En effet, le vocable « intelligence artificielle » – souvent abrégé par le sigle IA – est un terme générique qui recouvre beaucoup de choses. Les locutions telles que « machine learning », ou apprentissage automatique et « traitement automatique du langage naturel » (TALN) sont beaucoup plus appropriées dans notre contexte.

Mais revenons à notre sujet: à la base, nous avons un patient qui a un problème médical et qui cherche de l’aide ou des conseils. Les médecins de Medgate sont un point focal apprécié, car ils sont disponibles 24 heures sur 24, prennent suffisamment de temps pour écouter le patient et, souvent, sont en mesure de lui venir en aide sans qu’il ait à se rendre physiquement chez le médecin.

Cependant, toutes les requêtes médicales ne peuvent pas être traitées par la télémédecine. Certaines affections, en effet, nécessitent un examen ou un traitement physiques. Inutile de contacter Medgate si une blessure a besoin de points de suture, car cela va de soi. Mais, dans certains cas, la situation est moins évidente.

Nous nous sommes donc demandé si nous était possible d’identifier, dans les meilleurs délais, les patients que nous ne pouvons pas aider par la télémédecine et, dès lors, de leur recommander une consultation physique. Car si le patient est aiguillé adéquatement et dans les meilleurs délais, il ne perdra pas de temps, et cela sera plus rationnel au regard des dépenses de santé.

Sur quelles données l’intelligence artificielle de Medgate est-elle basée?

Depuis nos débuts en 2000, les médecins de Medgate ont soigné plusieurs millions de patients. Pour chaque cas, ils ont étudié la symptomatologie puis ont pris une décision qu’ils ont consignée dans les dossiers médicaux. Aujourd’hui, pour chaque patient qui nous contacte pour nous exposer son problème, il y a de fortes chances que nous ayons connu d’autres cas similaires dans le passé. Lorsque, face à un nouveau cas, nous identifions des problématiques de même nature dans l’historique, nous pouvons chercher à comprendre si les médecins qui ont traité ce cas à ce moment-là auraient soigné ce nouveau patient par la télémédecine, ou s’ils lui auraient recommandé une consultation physique. En outre, nous voyons si les médecins auraient effectivement recommandé une consultation chez un médecin généraliste, chez un spécialiste ou à l’hôpital, et avec quelle urgence.

C’est là qu’intervient l’intelligence artificielle par le biais de la Medgate App: cette dernière soumet au patient des questions au sujet de ses ennuis de santé, et l’intelligence artificielle détermine quelles sont les bonnes questions à lui poser afin de trouver très rapidement le plus grand nombre possible de cas similaires et d’exclure ceux qui ne sont pas pertinents pour la comparaison. L’application fournit ensuite une recommandation sur ce qu’il convient de faire: une consultation de télémédecine conviendrait-elle en l’occurrence? Ou s’agit-il d’un cas difficile à résoudre par la télémédecine, et serait-il donc préférable que le patient ou la patiente contacte directement son médecin traitant? Est-ce qu’il y a urgence et, dans l’affirmative, le patient doit-il immédiatement appeler Medgate sans prendre de rendez-vous au préalable?

Le triage des cas par la Medgate App à l’aide de l’intelligence artificielle présuppose le traitement d’un grand nombre de dossiers médicaux anonymisés et la compilation des données extraites sous la forme d’un Knowledge Graph. C’est à partir de ces informations que l’IA élabore les questions à poser aux nouveaux patients.

En fin de compte, on fait davantage appel à l’intelligence humaine et à l’expertise médicale qu’à l’intelligence artificielle à proprement parler: la machine n’a rien inventé, elle utilise en fait les décisions prises par les médecins. Grâce à cette technologie, nous faisons pour ainsi dire appel à tous les médecins qui ont soigné les patients de Medgate au fil des ans pour juger le nouveau cas! La technologie permet d’intégrer des résultats supplémentaires issus de publications et de lignes directrices.

Est-il prévu de poursuivre l’expansion de l’IA?

L’utilisation de l’IA ne fait que commencer. Actuellement, nous travaillons à extraire un plus grand nombre de caractéristiques et d’informations à partir des données et à les ajouter au modèle. Le système est ainsi plus parlant et plus efficace.

Les possibilités d’extensions sont très nombreuses – nous procédons étape par étape.

Quel est le statut actuel de l’IA dans la médecine suisse? Et qu’en est-il de l’acceptation par les patientes et les patients?

L’IA est désormais d’usage courant dans le domaine de l’imagerie médicale.

De nombreux appareils et outils logiciels contiennent déjà des algorithmes basés sur l’IA.

En fait, de nombreux patients sont ouverts à l’IA, pour autant qu’ils n’aient pas l’impression que celle-ci prend des décisions à leur sujet. Ils s’informent à ce propos et trouvent utile que les symptômes dont ils souffrent soient analysés par intelligence artificielle, qui évalue l’urgence de leur problème. Mais au final, les patientes et les patients veulent être traités et soignés par un être humain. Cependant, il ne fait pas de doute que le médecin doit pouvoir compter sur les meilleurs moyens techniques et les utiliser dans son travail – lesquels doivent à leur tour être soutenus par l’IA.

Je partage cette attitude – à la fois en tant que technologue de la santé numérique et en tant que patient!

Dans quelle mesure l’IA peut-elle réduire les coûts des soins de santé?

Nous cherchons des moyens d’améliorer les résultats tout en réduisant les coûts. Cela semble contradictoire à première vue, car la plupart des gens associent la haute qualité au coût élevé. Je me contenterai de ne donner que deux exemples: tout d’abord, dans les programmes de dépistage assistés par imagerie, il a été prouvé que la reconnaissance automatisée d’images est beaucoup plus précise, plus rapide et moins coûteuse que la reconnaissance humaine d’images.

Ensuite, dans le traitement de l’hypertension ou du diabète, notamment, il est essentiel que les patients reçoivent le médicament le plus approprié et dans le dosage correct. Dans ce cas, des contrôles fréquents peuvent permettre un ajustement beaucoup plus rapide et plus précis. Il faudrait conjuguer les valeurs mesurées collectées en ligne avec la surveillance de la procédure par un algorithme. Par la suite, l’algorithme peut avertir le médecin si les valeurs du patient dépassent une limite donnée. Bien que cela soit possible en utilisant des règles prédéfinies simples, l’IA permettrait de mieux adapter la thérapie du patient qu’auparavant.

Pour nous faire une idée – comment l’IA pourrait-elle changer la médecine au cours des dix prochaines années?

Deux développements parallèles sont nécessaires: d’une part, l’IA prend de l’envergure et, d’autre part, de plus en plus de données sont disponibles. Le potentiel réside dans la combinaison de ces deux développements.

Un nombre toujours croissant de médecins prendront de plus en plus de décisions assistées par l’IA.

Pour certaines maladies, une prescription pour des médicaments est établie automatiquement – même si elle doit d’abord être approuvée par quelqu’un.

En radiologie et en pathologie, une part importante des résultats est générée automatiquement. Cela permet d’établir des diagnostics plus rapides, moins onéreux et plus précis pour certains tests.

En économie de la santé, les tarifs des prestataires peuvent devenir plus différenciés, plus équitables, et aussi plus simples aux yeux de tout un chacun: cela abolirait la nécessité d’une facturation forfaitaire pour certaines procédures, où des aspects spécifiques du traitement devraient ensuite être pris en compte et ajustés au moyen d’une procédure de facturation extrêmement compliquée. L’IA pourrait tirer des indications de coûts de cas analogues et pourrait ainsi passer outre à ces systèmes de tarification lourds et rigides.

À l’avenir, un patient entrera en contact avec une machine artificiellement intelligente au moins une fois au cours de son traitement – et cela sera considéré comme allant de soi.

www.medgate.ch

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